samedi 13 décembre 2008

Quitter la Grêce...

Salut à tous,

En descendant maintenant vers le Sud , Wadi Rum arrive dans les îles du Dodécanèse. « Dodeca » : douze ! En fait elles sont 13 ou 14, égrenées le long de la côte turque, et elles ne sont grecques que depuis… 1948 ! Hé oui, voilà seulement 50 ans que les Italiens les ont rendues. Ils y étaient depuis 1912. Avant, bien sûr, les Ottomans, qui avaient fini par prendre le dessus sur les Chevaliers de St Jean, installés à Rhodes et dans toute la région, de 1300 à 1522…

Et on va s’arrêter là, car ici aussi les envahisseurs de tous bords se sont succédés depuis la nuit des temps. Sans parler des pirates qui ont écumé le coin…c'est-à-dire que s’ils surprenaient un village, les hommes étaient passés par les armes ( blanches) et les femmes et les enfants emmenés en esclavage !
Navigation sous génois seul, vent arrière, de Samos à Arki où Wadi Rum arrive par force 7. Toute petite île tranquille. Plus pour longtemps. Les nouveaux envahisseurs sont les touristes…


Patmos, 11 milles à l’Ouest. Patmos, bien sûr c’est l’Apocalypse de St Jean. C’est ici, dans une grotte, que Jean le disciple préféré du Christ, a dicté, à la fin de sa vie, (vers 90) ce texte…impressionnant. Je cherche un qualificatif. Parce que c’était l’occasion de le lire. Alors, j’ai ouvert la Bible qui est à bord (grâce à toi, Dominique de Balane V) et j’ai lu l’Apocalypse de St Jean…ça vous étonne ! Moi aussi !
Donc, au sommet de la colline, le monastère en pierres grises, massif, austère, solide, une véritable forteresse, et, tout autour les maisons blanches de la Chora, aux ruelles étroites. Magnifique.
Evidemment, c’est très visité, par les pèlerins et par les touristes, alors les marchands du temple sont là…


Wadi Rum est cul au quai, comme les autres bateaux. Le soir le temps se dégrade. Il se met à pleuvoir, de plus en plus fort. Le vent monte, des éclairs…encore un orage. On s’équipe en pécheurs bretons et on s’apprête à veiller toute la nuit. Il est environ minuit. Devant nous un voilier a dérapé : son ancre n’a pas résisté aux rafales de vent, et sous les trombes d’eau, son équipage (ils sont deux) essaie de remouiller (remettre l’ancre) en vain. Il décide de venir se mettre le long du quai, il y a juste la place. De loin, dans la nuit, je devine leur manoeuvre, quand je vois l’équipier, voulant sauter sur le quai, tomber à l’eau. Le temps de haler Wadi Rum vers le quai (on l’avait éloigné par sécurité !), je me précipite pour tendre une main secourable à la personne qui barbote sans pouvoir remonter sur le quai. C’est la femme du skipper. Heureusement, ne la voyant plus , dans l’obscurité et sous la pluie battante, il a eu le réflexe de s’éloigner, pour ne pas l’écraser entre le quai et la coque. Bref, on l’a sort de l’eau, avec l’aide d’un autre navigateur, et on aide le mari à s’amarrer. A 2h du matin, tout se calme… on peut aller se coucher. Non, vraiment, on n’aime pas du tout les orages !
Cap à l’Est, ressortez vos cartes… Lipso, l’île où Ulysse sur la route du retour, après la prise de Troie, serait tombé dans les bras de la nymphe Calypso ! (facile : ca…lypso !). Dans le petit village, on a compté plus de 15 églises ou chapelles, toutes blanches, aux toits en dôme bleus. Trait très( !) marquant de la Grèce : l’omniprésence de la religion partout, avec tous ces lieux de culte, innombrables, et les popes, partout, barbus, cheveux longs rassemblés en chignons, plus ou moins propres, en soutanes noires…Une église orthodoxe très puissante et influente…et très riche.
Toujours plus Sud : Leros. Le port de pêche de Pandeli ou 3 ou 4 voiliers peuvent se faufiler, dominé par…? Une citadelle byzantine très (trop) reconstruite, et par 6 moulins à vent ! C’est beau, et de là-haut, vue imprenable sur l’île. Plaisir, le soir, à la tombée du jour, d’observer le va et vient des barques des pêcheurs … en sirotant un verre d’ouzo bien frais, peinards dans le cockpit. Anecdote : Jules César, jeune, a été capturé sur Léros par des pirates qui réclament 20 sesterces de rançon. Jules, vexé d’être si peu considéré, augmente lui-même le prix de sa liberté à 50 sesterces ! Et pendant ses 40 jours de captivité promet les pires représailles à ses geôliers. De fait, libéré après versement de sa rançon, il monte aussitôt une expédition, les capture et les fait crucifier ! Déjà un caractère d’empereur le jeune Jules.


Encore plus Sud : Kalimnos, l’île des pêcheurs d’éponges. Après une escale dans la belle calanque de Vathi, Wadi Rum se retrouve dans le grand port de Kalimnos…une activité incessante : les ferries, les paquebots de croisières, les bateaux de pêche, les vedettes des gardes côtes, les voiliers, les caïques et les « goulettes » turques (superbes caïques en bois). Kalimnos restera une de « nos » belles îles grâce à Mano et Annie. Rencontre fortuite dans une taverna. Mano (Emmanuel) est français et grec : son père, kalimniote, se sauve à 19 ans, sur le bateau familial, pour échapper à la misère et tente sa chance en France… un passage par la Tunisie pour pêcher les éponges… Bref, une belle histoire d’émigration et d’intégration réussie. Et Mano, le fiston de l’émigré grec a gardé ses racines, sa langue et l’amour de son île où il revient, avec Annie, plusieurs mois par an! Alors vous imaginez le guide formidable que nous avons eu. Guide et chauffeur, car ils nous ont conduit, dans le vieux 4x4, du nord au sud de l’île ! Découverte, aussi, à Kalimnos de la vie terrible des pécheurs d’éponge, des milliers de victimes par ignorance des règles de plongée, et découverte de leurs coutumes «explosives » : à chaque départ des campagnes de pêche aux éponges, ils font sauter des centaines de bâtons de dynamite dans la montagne ! Une chapelle toute blanche là-haut dans la montagne : 4 jeunes ont explosés avec leur dynamite !!


Un mauvais souvenir pourtant. Une mauvaise manœuvre du skipper voisin et Sylvie pour protéger Wadi Rum se fait écraser la main entre les 2 bateaux ! Ca pisse le sang ! Le pouce est tout bleu ! Très joli ! On a craint une fracture de la main. Mais non, elle est solide, Sylvie. Mais handicapée pendant longtemps. Wadi Rum y laisse un chandelier !
Kos. Vous suivez toujours. On continue vers le Sud. Kos : un autre décor. Un joli port au pied de la…citadelle des Chevaliers de St Jean. Des palmiers, des fleurs, des tavernas et des bars partout, au milieu de restes archéologiques répartis dans la ville. Un tourisme maximum. Le platane sous lequel Hippocrate aurait enseigné la médecine. Mosquées et minarets qui annoncent la Turquie si proche. Plus loin l’Asklépion, le site d’Esculape, dans les bois, dominant la mer Egée : superbe, même s’il ne reste pas grand-chose.
Et surtout, retrouvailles sur le quai avec des équipages amis. Plaisir de se retrouver, de se découvrir, comme ceux de la Mutine…

Au Sud de Kos , Nisiros. Une île volcan. Superbe. Un cratère, une caldeira plutôt, immense, avec 3 autres à coté, une forte odeur de soufre, des fumerolles brûlantes qui sortent de terre, les couleurs jaunes, oranges, rouges, brunes, noires, des roches volcaniques, sous un ciel nuageux et gris qui efface les sommets autour de nous, tous seuls, au fond du cratère… presque angoissant ! Y a pas de doute, le Diable n’est pas loin ! Heureusement, on est si bien dans ce petit port, sans touristes, seulement quelques voiliers. Tiens la Mutine est là ! Dominique et Marie-Do nous aident à préparer notre arrivée en Turquie avec plein de conseils. Notre petit scooter nous permet de crapahuter partout sur cette île authentique. Une autre de « nos » belles îles .

Puis ce fut Tilos. Une île sans rien d’exceptionnel et pourtant encore une belle escale. Un village un peu trop neuf et un peu béton, et un peu trop british, mais grâce aux Anglais le village revit…alors ! Tilos est célèbre pour ces éléphants nains. Ils sont arrivés, normaux, il y a des milliers d’années, à la nage. Puis, problème d’alimentation et de consanguinité, ils sont devenus de plus en plus petits. Et, un jour, il y a 7000 ans, ils sont tous morts au moment de l’éruption volcanique de Santorin, alors qu’ils étaient réfugiés dans une grotte… C’étaient les derniers d’Europe ! Notre scooter nous a conduit vers un village déserté par ses habitants il y a 50 ans …pour des raisons pas claires : manque d’eau ( ?). Inquiétant cet endroit envahi par les chèvres… les arbres ont poussé dans les ruines des maisons… le vent souffle sur les pierres chauffées par le soleil. Seules les deux églises sont entretenues et « fonctionnent ».

Enfin, Symi. Une île très touristique. Et pour cause, ici aussi c’est très beau. Un port bien protégé et des maisons aux couleurs pastel qui grimpent sur les collines et falaises alentour. Heureusement c’est plus calme en ce moment, hors saison. Un crapahute vers quelques murailles en ruine tout en haut. Mais il faudra revenir, pour s’imprégner de l’ambiance ! Un jour d’escale c’et trop court.

Et Rhodes, la grandiose, la superbe, l’historique s’écrieront les connaisseurs ! Une autre fois ! Le bateau a rendez-vous pour se reposer un peu, pour se faire un peu réparer, un peu entretenir, un peu câliner. Il l’a bien mérité !
Et Wadi Rum largue ses amarres une dernière fois pour cette saison. A l’aube, mer d’huile, un long sillage qui laisse Simi, derrière, encore endormie, dans les couleurs douces de l’aurore. Cap sur Marmaris, sur la Turquie, vers un nouveau monde qui nous intrigue, nous inquiète un peu et nous attire.
Dernière navigation. Une bande de dauphins vient s’amuser devant l’étrave, comme jamais, pour se faire pardonner d’avoir été si peu là pendant ces 2300 milles parcourus dans les eaux grecques.
Le pavillon grec, à croix et bandes bleues et blanches est amené. Le rouge, vif, à croissant et étoile est envoyé.
Dans l’après-midi, arrivée à Yat Marina, du fond du golfe de Marmaris. Marina immense, une forêt de mats, une organisation rodée, on attend son tour pour que le zodiac vienne vous placer. « Kalithéa » nous accueille et donne les clefs pour vivre dans la marina et à Marmaris.
Il nous reste tout à découvrir et à comprendre de ce grand pays…la Turquie.
Ce sera pour l’année prochaine, Inch’Allah !
Et le travail d’hivernage de Wadi Rum se met en route. Avec le moteur qui commence par avaler les ailettes du rouet de pompe à eau ! Grâce à « Bingo », qui me donne les infos et la témérité d’oser, je vais chercher les morceaux de caoutchouc dans l’échangeur ! Moi-même, svp ! « Roch-hir » est de la partie et me donne aussi son assistance technique. « Balboa » arrive lui aussi pour hiverner. Nous retrouvons ainsi plein d’amis et en découvrons d’autres avec beaucoup de plaisir. Comme « Maru of France » qui connaît si bien cette région et est une véritable mine de tuyaux… Donc une vie sociale très riche et bien agréable !
Voila, cette belle virée en Grêce se termine. Nous avons été très heureux de partager avec vous tous, ces moments de … bonheur, tout simplement !
Si vous êtes d’accord on recommence l’année prochaine.
Promis, j’essaie de chiader un peu plus la mise en page et la qualité des photos.
Quand vous recevrez ce dernier message nous serons déjà sur le point de rejoindre la France…et plein de trucs pas très marrants. Mais on a un sac rempli d’Histoire, d’histoires, et de photos, de quoi affronter la crise et l’hiver !
On vous embrasse tous, affectueusement
Sylvie, Jean-Jacques et Wadi Rum

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